DÉSORDRE DU DISCOURS

Projet pour les amphithéâtres d’universités

Conception Fanny de Chaillé
D’après L’Ordre du discours de Michel Foucault © Editions Gallimard

Interprétation Guillaume Bailliart
Régie Manuel Coursin, Jérémie Sananes
Production et diffusion Isabelle Ellul
Logistique et communication Jeanne Dantin

Durée 1h

Création 2019 à Malraux, scène nationale Chambéry Savoie

L’Ordre du discours est la leçon inaugurale que Michel Foucault a prononcé au Collège de France le 2 décembre 1970, elle est publiée chez Gallimard dans la collection blanche. Nous n’avons aucune trace sonore ou filmée de cette leçon, simplement un texte publié. Je veux me servir du théâtre pour revenir de ce vide, de cette absence de trace.
Partir de L’ordre du discours et redonner du corps à ce texte.
Comment donner corps à cette pensée, l’incarner ?
Parce que penser c’est bouger, comment ça bouge quand ça pense ?
Travailler sur L’ordre du discours, traiter ce texte comme une archive et on sait à quel point celle-ci est importante dans l’oeuvre de Foucault. S’en servir comme appui pour interroger la langue, la forme du discours, son auteur.

L’Ordre du discours est un discours sur le discours.
Dans ce texte, l’intellectuel expose son projet de cours au sein du Collège de France, c’est-à-dire là où il en est de sa recherche.
Nous distinguons la langue, le code linguistique qui s’impose à tous les individus qui parlent une langue : le vocabulaire, les règles de phonétique et de grammaire et la parole c’est-à-dire ce qu’on prononce effectivement à un moment donné.
Interroger, se poser la question de la forme discursive c’est aussi penser la langue, la faire parler autrement.
L’Ordre du discours en tant que leçon inaugurale est à l’origine destinée à la profération orale avec un régime d’adresse spécifique donc, des conditions particulières de production, des effets de contexte, des choix d’intervention. Penser le théâtre en ce sens.
Une hypothèse sous-tend l’ordre du discours qui est que toute société cherche à contrôler la production du discours.
Dès le départ, Foucault énonce sa peur de dire, de commencer à parler, de prononcer un discours dans une institution.
“Plutôt que de prendre la parole, j’aurai voulu être enveloppé par elle (…) j’aurais aimé m’apercevoir qu’au moment de parler une voix sans nom me précédait depuis longtemps”.
Il nous montre très vite que le discours a une réalité matérielle qui nous échappe, il est une activité qui recèle des pouvoirs et des dangers, il est le lieu de luttes, de victoires, de blessures, de dominations, de servitudes… Il est une inquiétude…

Foucault analyse ensuite les procédures qui contrôlent la production de discours.
Dans un premier temps les procédures de contrôle externes : l’interdit, le partage, l’opposition vrai/faux. Puis les procédures de contrôle internes : le commentaire, l’auteur, l’organisation des disciplines. Enfin dans un troisième temps il nomme des procédures qui permettent de réguler l’accès au discours : le rituel, “les sociétés de discours”, les doctrines et enfin l’appropriation sociale.
Mais qu’y-a-t-il donc de si périlleux dans le fait que les gens parlent, et que leurs discours indéfiniment prolifèrent ? Où donc est le danger ?”

Production Display
Coproduction Malraux scène nationale Chambéry Savoie, Bonlieu scène nationale Annecy, Théâtre Saint-Gervais, Théâtre Vidy-Lausanne, Festival d’Automne à Paris
Le spectacle DÉSORDRE DU DISCOURS est soutenu par PEPS Plateforme Européenne de Production Scénique Annecy-Chambéry-Genève-Lausanne dans le cadre du programme Européen de coopération transfrontalière Interreg France- Suisse 2014-2020

Avec le soutien de la Comédie de Clermont-Ferrand scène nationale, du Centre National de la Danse, Pantin et Lyon
Remerciements à André Scala, Antoine Muller, l’ENDROIT Chambéry, l’Université Lumière Lyon 2 et l’École nationale supérieure des Beaux-Arts de Lyon

DÉSORDRE DU DISCOURS, pourquoi ?

Parce qu’il y a, comme le dit Foucault : “Nécessité aujourd’hui de se résoudre à trois décisions auxquelles notre pensée résiste un peu : remettre en question notre volonté de vérité, restituer au discours son caractère d’événement ; lever enfin la souveraineté du signifiant.”
Partir de ce texte L’Ordre du discours pour interroger la forme discursive, donner de la matérialité à ces mots, se réapproprier cette parole.

UNE PARTITION

Je veux me servir de ce texte comme base pour faire une forme performative. M’en servir comme d’une partition, comme une trame pour fabriquer du théâtre. Car aujourd’hui je ne peux faire de L’Ordre du discours qu’une expérience subjective, un fait de pure monstration, un désordre.
Restituer la parole à la voix, la voix au corps, le corps aux gestes, ou aux muscles, au squelette même.
Pour reprendre les mots d’Artaud et de son théâtre de la cruauté : “ramener la parole de la féerie des mots à une sorte de halètement et de danse macabre.”
Il n’y a pas de décor à proprement parlé, pas d’accessoires, la scène, l’amphithéâtre d’université ici, permet une communication spatiale directe avec la salle.
Nous substituerons à la structure théâtre habituelle : des gestes et des paroles réels dans un décor fictif, une structure inverse : dans un espace impitoyablement réel, l’amphithéâtre de faculté, des gestes, des mouvements qui parlent une langue fictive.
Faire du théâtre pour mettre en danger la langue par la parole.

Nous nous intéresserons tout particulièrement au discours, un discours à la fois réel par sa matérialité et éphémère par sa durée, à la fois inquiétant et rassurant, enfermant et libérant, ordonnant et chahutant. Un discours qui ordonne l’activité humaine autant qu’il est ordonné par elle. Un discours qui, inlassablement, tente de mettre en ordre une réalité qu’il violente à chaque fois mais qui lui échappe sans cesse, et qui n’est pourtant saisissable que par lui.